Je construit mon amour comme un jardin
enragé dont je n'ose ouvrir les ronciers à la muse qui est sensé
l'habiter. C'est mon trésor rêveur, ma peine heureuse où chantent
les battements de mon cœur. C'est un royaume de solitude voué à
une étrangère qui en changerait la mélodie. C'est un présent
inquiétant dont le paquet est fermé par un nœud coulant. J'y
plante des soupirs cachés et fait semblant de m'étonner que
personne ne les cueille. Ils grandissent jusqu'à se déchirer sous
leur propre poids. Alors je les récolte et me saoule de leur
absurdité fermentée, me nourrissant de mon propre amour inassouvi.
Mon cœur est plein mais jamais rassasié.
Je construit mon amour comme un jardin
incertain. C'est un lieu sans unité de mesure ni direction, dédié
au culte d'une déesse sans nom. C'est un labyrinthe de plantes
anonymes qui semblent écrire un prénom adorable. J'y sème des
apparences inquiètes d'être prises au sérieux, d'avoir charmé la
mauvaise inconnue. Ses portes sont gardées par des arbres de doutes
que je ne taille jamais, ignorant jusqu'au nom de passe qu'ils
demandent à l'entrée.
Je construit mon amour comme un jardin
fantasmatique, plein de brouillards languissants et de feux follets
attirants. C'est un marais de désillusions étrangement agréables,
de sables mouvants aux allures de cocons, baignant dans un confort
aigre-doux. Ses étangs sont un palais des glaces où mon reflet
fuyant s'entoure de souvenirs défunts et d'espoirs morts-nés. J'y
plante des désirs incertains et volatiles, poussant sur un terreau
de manque. Ils fleurissent aussi vite qu'il fanent et forment des
couches géologiques de regret inassouvis dont se nourrissent leurs
successeurs. Les vignes sauvages de la peur y croissent autour de mes
tripes, troublant mes sens et noyant mes sentiments jusqu'à ce que
je ne sache plus différencier les mirages fous et les vraies
lanternes tremblotantes dans le vent et la brume.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire